Êtes-vous en règle avec la rémunération de vos salariés ? La Convention Collective Nationale fixe un cadre de rémunération minimale qui s’applique à tous les salariés d’une exploitation agricole. Cette grille des salaires, mise en place au cas par cas, demande à l’employeur de mieux définir l’emploi au sein de sa structure pour fixer une rémunération équitable. Comment se saisir de cette occasion pour repenser votre gestion des ressources humaines au sein de votre exploitation ?
SOMMAIRE1. C'est quoi une grille des salaires ?
2. Comment déterminer la grille des salaires ?
4. Trois questions à propos de la grille de salaire
3. Impact sur la catégorie socio professionnel du salarié
5. 4 conseils pour une mise en application réussie de la grille de salaire
1. C’est quoi une grille des salaires ?
Obligation liée à la Convention collective
La mise en place d’une grille des salaires dans votre exploitation découle directement de l’adoption de la Convention Collective Nationale (CCN) de production agricole et des CUMA mise en place en septembre 2020. Cette convention vise à harmoniser les conditions de travail en milieu agricole et aborde la classification des emplois dans son chapitre 4 en fixant les minima de rémunération.
« L'entreprise doit respecter ces minima, mais a toute latitude pour définir sa politique de rémunération, à condition qu'elle soit plus favorable que celle de la convention collective et qu'elle respecte l'égalité de traitement. »
Localement, les conventions collectives territoriales agricoles, fréquentes dans le domaine viticole, doivent être conformes à la CCN. En matière de rémunération, elles ne peuvent pas induire de salaires inférieurs.
Cadre de rémunération de référence
La grille des salaires s’applique à tous les salariés de l’exploitation. Elle ne concerne pas les stagiaires, les contrats d’apprentissage ou de professionnalisation ni les aidants familiaux. Seule la rémunération des personnes disposant d’un contrat de travail pour l’exploitation se doit de respecter cette grille.
Les salaires y sont mentionnés par palier de 1 à 12 correspondant chacun à un taux de rémunération horaire, sur la base du montant du SMIC. La grille des salaires est donc amenée à être réévaluée lors de chaque augmentation du SMIC horaire. Depuis le 1er mai 2023, le SMIC horaire brut est fixé à 11,52 € soit un montant mensuel brut à 1 747,20 € pour 35 heures de travail hebdomadaire.
À NOTER : les exploitations soumises à la CCN ETARF sont tenues au respect de leur propre grille de salaires, présentée dans la CCN 7025 du 8 octobre 2020.
2. Comment déterminer la grille de salaires ?
Définir un coefficient des emplois
Les 12 paliers de rémunération dépendent d’un coefficient qu’il vous revient de définir pour chaque emploi salarié. Le coefficient est défini selon 5 critères pour lesquels vous accordez plus ou moins de points au salarié au regard des tâches et missions, significatives et inhérentes à l’emploi, effectuées au quotidien :
- Technicité (2 à 100 pts)
- Autonomie (2 à 100 pts)
- Responsabilité : respect des normes (1 à 25 pts) et enjeux économiques (1 à 25 pts)
- Management (2 à 100 pts)
- Relationnel (1 à 50 pts)
Le nombre de points de chaque critère est déterminé selon 3 à 6 degrés d’exigence précisés dans la CCN au chapitre 4.3.3.
Appliquer la grille des salaires
Une fois le coefficient d’emploi déterminé, il ne vous reste plus qu’à appliquer le taux horaire en vigueur, tel que défini en mai 2023 :
3. Impact sur la catégorie socio-professionnelle du salarié
Les paliers de la grille des salaires jouent également un rôle pour définir la catégorie socio-professionnelle de votre employé(e) :
- Technicien
- Agent de maîtrise
- Cadre
La CSP du salarié implique des changements de cotisations salariales et patronales lorsque celui-ci atteint le niveau cadre. Certains avantages sociaux sont également liés à ce statut. Sur la fiche de paie de vos salariés cadre doivent donc apparaitre :
- Cotisation spécifique pour le fonctionnement de l'APEC (Association Pour l’Emploi des Cadres) : 0,04 % pour l’employeur et 0,02 % pour le salarié
- Cotisation patronale obligatoire égale à 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité Sociale appelé aussi « 1,5 % Cadre » qui correspond à la prévoyance obligatoire couvrant l’incapacité temporaire de travail, l’invalidité totale ou partielle, l’incapacité permanente et professionnelle et le décès.
Avantages à définir la grille des salaires
Transparence dans l’entreprise
Définir la grille des salaires de votre exploitation est une démarche saine de transparence dans votre gestion des ressources humaines. Cela évite les rumeurs concernant les rémunérations qui peuvent induire jalousies et conflits. Cela témoigne d’un principe d’équité de traitement.
C’est aussi un moyen de clarifier la possibilité d’évolution du salarié au sein de l’entreprise pour atteindre une meilleure rémunération. Cela amène vos salariés à s’investir davantage dans leur travail et à chercher à progresser sur la base d’une évaluation claire des compétences attendues.
Implication des salariés
La mise en place de la grille des salaires dans l’exploitation est aussi l’occasion d’un véritable échange avec vos salariés. En faisant le point sur leurs missions quotidiennes et la façon dont ils les exécutent, vous opérez à une reconnaissance de leur travail qui se répercute concrètement sur leur salaire.
L’entretien mené régulièrement avec le salarié dans cette optique lui permet de visualiser sa progression. Il prend également conscience de son apport de valeur au sein de l’exploitation, ce qui accroit son intérêt pour son bon fonctionnement et son développement économique.
4. Trois questions à propos de la grille de salaire
Suis-je obligé de la respecter ?
La grille des salaires est l’expression directe de la CCN. Contrevenant au Code du travail, son non-respect vous fait encourir plusieurs sanctions :
- Civiles :
- Le salarié peut solliciter un rappel de salaire auprès du Conseil des Prud’hommes dans un délai de 3 ans.
- Le non-respect de la rémunération conventionnelle est un motif de rupture de contrat.
- Pénale : le non-respect de la rémunération minimum conventionnelle est une contravention de 4e classe passible d’une amende jusqu’à 750 euros par salarié.
- Administrative : Si une sanction pénale a été mise en place, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) peut décider d’un avertissement ou d’une amende jusqu’à 4 000 € par salarié
Quel impact sur le montant des salaires ?
Vous l’aurez compris, l’application de la grille des salaires vise à revaloriser les salaires les plus modestes. Pour autant, si la rémunération déjà en place au sein de l’exploitation est plus avantageuse, les salaires supérieurs à la grille de la CCN ne peuvent pas être rabaissés.
Dans le cas où le salaire n’évolue pas ou peu, la reconnaissance du statut de cadre implique des changements de cotisations. S’ils n’impactent pas forcément la rémunération finale, ils représentent un coût pour l’employeur et le salarié. Ils sont aussi un avantage social non négligeable à valoriser auprès de ce dernier (prévoyance).
Puis-je payer plus mes salariés ?
A contrario, au sein de l’exploitation, la rémunération que vous mettez en place peut bien-sûr être supérieure à celle de la CCN, qui n’est qu’un minima à respecter. Vous entrez alors dans une véritable réflexion sur la politique de votre entreprise et de sa gestion des ressources humaines. La reconnaissance de l’ancienneté, obligatoire à partir de 3 ans de salariat au sein de l’exploitation, la valorisation de la formation initiale ou professionnelle, l’expérience préalable et tout autre critère pris en compte par l’employeur peuvent l’amener à mieux rémunérer ses équipes. Une juste rémunération est un critère d’attractivité pour l’entreprise. La perspective d’évolution professionnelle permet de fidéliser les salariés.
5. 4 conseils pour une mise en application réussie de la grille des salaires
Rechercher toutes les informations qui définissent l’emploi
Pour évaluer le coefficient d’emploi, vous devez analyser objectivement chaque emploi au sein de votre exploitation. Une première étape pourra être de collecter toutes les informations dont vous disposez déjà : fiche de poste mise en place lors du recrutement, nom de l’emploi sur la fiche de paie, liste des missions récurrentes ou fiche de tâches remise au salarié, etc.
Impliquer les salariés dans la qualification de leur emploi
Ne menez pas cette démarche dans votre coin. Demandez à vos salariés de lister leurs tâches, échangez avec eux sur leur perception des missions et leurs ressentis (technicité). Ont-ils besoin de directives pour être efficaces (autonomie) ? Comment interagissent-ils au sein de l’équipe (management) ? Ont-ils des échanges professionnels en dehors de l’exploitation (relationnel) ? La qualification de leur emploi peut être mal perçue si elle est imposée de manière unilatérale. Mieux vaut qu’elle soit co-construite, quitte à y consacrer un peu de temps.
Entretien professionnel tous les 2 ans minimum
La mise en place de la grille des salaires, sur la base d’un entretien avec le salarié, est l’occasion d’établir un rendez-vous régulier avec vos équipes. La CCN prévoit d’ailleurs un entretien professionnel tous les 2 ans. L’occasion de vérifier si le coefficient de l’emploi occupé est toujours adapté aux missions du salariés et d’aborder ses souhaits de progression.
Outil informatique pour rester à jour
Une fois le travail de mise en place de la grille des salaires accompli, il conviendra de rester à jour dans l’établissement de la fiche de paie et du calcul de la rémunération. L’utilisation d’un logiciel de paie adapté permet d’assurer cette mise à jour réglementaire de manière automatique et de n’oublier aucune des mentions obligatoires pour établir le bulletin de salaire.
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