La récurrence des épisodes de gel destructeurs pointe la nécessité d’adapter les pratiques culturales et les produits d’assurance. Dans le cadre de la vigne et de l’agriculture en général, l’apparition de l’assurance paramétrique est devenue possible grâce à la production massive de données fiables et leur exploitation. Ce modèle pourrait enfin offrir aux agriculteurs une solution d’assurance gel sur-mesure, financièrement sécurisante et abordable.
SOMMAIRE :
1. Vers des épisodes de gelées récurrents en vigne, fruitiers et cultures
2. Des protections pour vigne et cultures insuffisantes
3. L’indiciel : nouveau modèle d’assurance gel pour la vigne et les cultures
3.1 Comment fonctionne l’assurance paramétrique ?
3.2 Quels avantages par rapport à une assurance MRC traditionnelle ?
3.3 Pour bénéficier d’une assurance paramétrique, il faut des données météo fiables
1. Vers des épisodes de gelées récurrents en vigne, fruitiers et cultures
Les épisodes de gel au mois d’avril partout en France ne sont pas une nouveauté. C’est en revanche l’adaptation de la végétation au réchauffement climatique qui pose problème.
Le développement précoce des bourgeons, dû à des températures plus clémentes en hiver, est en passe de devenir une problématique de poids qui menace tout simplement la production, les rendements, et finalement les revenus des exploitants.
L’avenir semble donc assez binaire pour les agriculteurs : maintenir l’existant et risquer de disparaître ou s’adapter. La seconde voie vise à combiner 3 solutions complémentaires pour protéger les vignes et les vergers :
• un matériel de prévision météo efficace (capteurs, alertes, aide à la prise de décision…)
• une assurance contre le gel sur-mesure
2. Des protections pour vigne et cultures insuffisantes
Face aux risques de gel et à leurs conséquences, l’agriculteur a plusieurs solutions :
• s’équiper en protection (tours antigel, braseros, aspersion…)
• souscrire à un contrat d’assurance multirisque climatique de récolte (MCR), indexé sur la culture ou sur l’exploitation
Les chiffres de 2020 du ministère de l’Agriculture montraient qu’au niveau national, seulement 18,2% des surfaces agricoles étaient assurées, un taux s’élevant à 34% en viticulture.
Avec la
loi de réforme du 2 mars 2022 concernant l’assurance agricole, l’État entend inciter les agriculteurs à s’assurer en
réformant le système en place, fondé sur 2 régimes parallèles :
• l’assurance multirisque climatique de récolte, couvrant seulement 20% des agriculteurs
• le régime des calamités agricoles, excluant certaines cultures, avec des délais d'indemnisation très longs
Cette loi va dans le sens des agriculteurs. Les assureurs qui proposent des contrats d’assurance pour la protection des récoltes doivent suivre un cahier des charges contenant 2 éléments : un barème de prix par production et des conseils de prévention aux agriculteurs pour minorer leur prime.
Le seuil de la franchise baisse à 20% et l’aide d’État augmente jusqu'à 70% du montant des cotisations. Reste à l’agriculteur de choisir entre la moyenne olympique et la moyenne triennale glissante pour souscrire à son contrat d’assurance.
Mais un autre dispositif d’assurance gel, plus incitatif et encore méconnu, se développe rapidement pour couvrir les risques de perte de récoltes.
3. L’indiciel : nouveau modèle d’assurance gel pour la vigne et les cultures
L’essor du digital et le développement d’outils capables de capter, d’analyser et d’exploiter des données climatiques a permis l’apparition d’un nouveau dispositif d’assurance contre le gel : l’assurance paramétrique.
Autrement nommée assurance indicielle, il s’agit d’un modèle d’assurance qui s’appuie sur des paramètres objectivables et des indices corrélés aux pertes pour optimiser la gestion des risques climatiques. Cela concerne de nombreux secteurs : énergies renouvelables, construction, tourisme, transport, mode et bien sûr agriculture.
L’intérêt pour ce modèle paramétrique grandit partout dans le monde. Que ce soit en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud ou en Europe, l’objectif est de réduire la différence entre les pertes de récolte couvertes et la somme totale des pertes des exploitants.
En France, de nombreux viticulteurs et arboriculteurs ont franchi le cap de protéger leur récolte et leurs revenus contre les calamités, notamment avec une couverture indexée sur le gel.
3.1 Comment fonctionne l’assurance paramétrique ?
Ce dispositif d’assurance repose sur 3 éléments :
• l’indice : climatique (température, pluviométrie, vent, ensoleillement, taux d’humidité, etc.), de rendement des cultures (échec de levées, fourrage, appellations), lié à un phénomène exceptionnel (tremblement de terre…)
• le seuil de déclenchement de la couverture : pouvant être établi de différentes manières pour une indemnisation : à hauteur de l’intégralité de la limite ou indexée à la sévérité d’un événement climatique
• la limite ou l’indemnisation maximale pour ce type de contrat d’assurance
La création d’un indice et la mise en place de la structure assurantielle demeurent complexes. Cela nécessite des compétences spécifiques pour déterminer les seuils de déclenchement. Précisons que l’indice peut combiner plusieurs variables et qu’il est lié au chiffre d’affaires de l’exploitation, à la taille des installations, à la valeur des cultures, etc.
Des courtiers en assurance indicielle peuvent donc aujourd’hui proposer un contrat sur mesure pour couvrir chaque événement (grêle, coup de chaleur, excès d’eau, sécheresse et bien sûr gel) selon les objectifs stratégiques de l’agriculteur, son activité, son appétence au risque et son budget.
3.2 Quels avantages par rapport à une assurance MRC traditionnelle ?
Les assurances multirisque classiques couvrent les pertes et les dommages réellement causés par un événement. Elles s’appliquent à des aléas dénommés, procèdent par exclusions et demandent une expertise sinistre. Cela entraîne des coûts de distribution, des coûts d’expertise et des coûts de gestion de sinistres.
L’assurance paramétrique fonctionne sur la base d'un forfait contractuel défini entre l’agriculteur et l'assureur. Lorsque le seuil critique prédéfini est dépassé sur l’échelle indicielle, le paiement pour la couverture des dommages s’enclenche automatiquement.
Cette indemnisation peut être versée à l’agriculteur ou directement à sa banque, seulement sous quelques jours, voire quelques semaines dans le pire des cas.
Mais ce n’est pas tout. L’assurance paramétrique dévoile bien d’autres avantages pour les agriculteurs assurés :
• de la transparence : indices et valeurs basés sur des données terrain provenant de sources indépendantes (stations météo, satellites, prestataires privés…)
• efficience financière : pas de passage d’expert, ni de juriste, ni de spécialistes techniques pour la gestion sinistre
• pas de franchise minimum (ou alors très basse)
• polices non soumises à interprétation, ni à des conditions particulières
• connaissance en amont de l’indemnisation pour chaque valeur de l’indice
• des prix de cotisations plus justes
En bref, les exploitants assurés ne paient que le coût du risque couvert et une assurance simple, lisible et rapide dans l’indemnisation. L’assurance paramétrique simplifie l’expérience client : les procédures sont optimisées et ce type de contrat offre de nouvelles perspectives en matière de couverture.
3.3 Pour bénéficier d’une assurance paramétrique, il faut des données météo fiables
Pour souscrire à un contrat d’assurance paramétrique contre le gel ou contre d’autres aléas climatiques, l’agriculteur doit être en mesure de fournir des données fiables issues du terrain.
Celles-ci proviennent de stations météo installées sur l’exploitation ou de satellites. Des prestataires tels qu’ISAGRI peuvent ensuite monitorer et analyser ces données de façon sécurisée afin d’accompagner l’agriculteur dans la prise de décisions.
L’État avait initié pour 2021 et 2022 le Plan France Relance. Celui-ci avait pour but d’offrir la possibilité aux exploitants d’obtenir une aide pour l’investissement en matériel agricole contre les aléas climatiques. Un tel plan pourrait être à nouveau bientôt proposé aux vues des besoins réels des agriculteurs.