Météo changeante, sécheresse, réglementation phytosanitaire qui se durcit, multiplication des bio-agresseurs... La moisson 2020 aura subit les conséquences néfastes de cette nouvelle réalité. Les habitudes de travail en agriculture doivent s'adapter et évoluer vers des techniques novatrices pour faire face à la situation. Le panel de techniques s'enrichit avec en tête l'agriculture de conservation des sols qui permet de respecter la biodiversité mais aussi de faire des économies de charges de mécanisation. Elle fait partie d'un bouquets d'actions pour un changement audacieux de stratégie culturale qui peut être payant.
SOMMAIRE :
Quel est le bilan des moissons 2020 en France ?
Moisson 2020 : quels enseignements pour les années suivantes ?
L’agriculture de conservation pour un changement radical de technique cultural.
Quel est le bilan des moissons 2020 en France ?
En France, la récolte est marquée par une grande hétérogénéité des rendements et une production historiquement basse : toutes les cultures céréalières sont en difficulté.
Avec une récolte estimée à 29,2 Mt, soit 10 Mt de moins qu’en 2019, la France enregistre sa deuxième plus faible récolte de blé tendre de la décennie. L’orge de printemps a profité des temps pluvieux de l’automne 2019 pour augmenter ses surfaces culturales mais les rendements restent bas. Le colza connait une nouvelle année noire qui risque de lui faire subir encore une fois en 2020 une baisse des surfaces.
Ce bilan très mitigé fait monter l’inquiétude dans le monde agricole.
Moisson 2020 : les raisons d'un bilan très moyen en France.
En 2020, la qualité des récoltes reste correcte pour la France mais ce sont les rendements qui ont principalement souffert. Pour faire le bilan de votre exploitation, le suivi d’indicateurs clés peut vous permettre de mettre très vite en lumière les axes d’améliorations. Retrouvez ici tous les indicateurs pour faire les meilleurs choix d’évolution pour votre exploitation agricole.
Sur la France entière, les raisons principales du bilan 2020 sont les conditions climatiques extrêmes et la réglementation phytosanitaire qui se durcit. Des sujets qu’il faudra apprendre à maitriser dans les années à venir.
Des conditions climatiques de plus en plus locales et extrême.
En automne les pluies n’ont pas permis de semer dans des bonnes conditions. Certains exploitants ont même dû abandonner les semis d’hiver au profit de cultures de printemps. A partir de la mi-mars, l’excès de précipitation a laissé place à la sécheresse et aux chaleurs précoces. Cela a empêché le développement et l’enracinement des cultures. Une problématique météo qui risque de se généraliser dans les années à venir : une multiplication et une intensification des événements extrêmes et de plus en plus localisés tels que canicule ou inondations… Il devient donc très important de maitriser la météo et surtout la météo locale afin de bien positionner les interventions dans les champs car les fenêtres propices se réduisent.
Une réglementation phytosanitaire qui se durcit.
Les pucerons et les nouvelles réglementations phytosanitaires ont mis à mal les cultures de céréales mais aussi de betteraves sucrières. Ils sont arrivés très tôt dans l’année et ont dévasté les cultures. Les dégâts sont importants et les conséquences, déjà mauvaises sur les céréales, pourraient être dramatiques sur les betteraves qui, cette année, souffrent intensément de la jaunisse. Les changements de règles dans l’utilisation des produits phytosanitaires (comme les néonicotinoïdes) risquent de se multiplier. De quoi inciter les agriculteurs à réfléchir à des alternatives comme le recours à des auxiliaires (une larve de coccinelle peut ingurgiter entre 60 et 200 pucerons par jour).
Avec des conditions climatiques de plus en plus incertaines et un contexte phytosanitaire très fluctuant, certains agriculteurs ont déjà fait le choix de faire évoluer leurs techniques culturales pour faire face à la situation et sécuriser les rendements. Parmi celles dont on entend parler le plus, l’agriculture de conservation semble convaincre de nombreux adeptes.
L’agriculture de conservation pour un changement radical de technique culturale.
A travers le monde, les surfaces cultivées en Agriculture de Conservation des Sols progressent chaque année (150 millions d'hectares à ce jour). En France aussi, ce système agricole est en voie de développement. On estime ainsi que 2% des agriculteurs français ont adopté l'Agriculture de Conservation des Sols. Se lancer en Agriculture de Conservation des Sols implique de revisiter le système global de son exploitation avec 3 principes : la couverture permanente du sol, le semis sans travail du sol ainsi que la diversité et la rotation des cultures.
La couverture permanente du sol.
Déjà identifiée, la technique du couvert en interculture, au-delà du Cipan, peut réduire la pression des adventices et donc l'usage d'herbicide, et empêcher la fuite d’azote et les émissions associées. Mais il est possible d'aller beaucoup plus loin, avec la couverture permanente du sol, associée aux rotations longues et au semis direct sous couvert.
Une combinaison de leviers qui permettent : de lutter contre ravageurs et mauvaises herbes, de protéger le sol quand il est à nu, d’apporter une nouvelle source de matière organique, de permette le « labour biologique » et d’introduire une nouvelle espèce dans un système basé sur la monoculture. Une équation agroécologique complexe mais prometteuse.
C’est une équation évolutive où les choix sont constamment réévalués, en fonction de l'intérêt agronomique du couvert (trèfle, luzerne, sainfoin, féverole, vesce, variétés en mélange…). Ce couvert peut être gélif ou non, implanté en vue d'un semis sous couvert mort ou vivant, en fonction de la rotation... Les couverts retournés au sol accroissent le taux de matière organique, la séquestration du carbone et la rétention de l’eau pour une meilleure résilience aux aléas climatiques. Les expérimentations en cours, menées par de nombreux instituts et partenaires du monde agricole, commencent à tracer des itinéraires de culture viables.
Le semis sans travail du sol.
Le semis sans travail du sol répond à trois objectifs. D’abord limiter au strict minimum la perturbation de l’activité biologique lors du dépôt de la semence dans le sol. Ensuite favoriser la porosité verticale naturelle du sol. Et enfin, augmenter le taux de matière organique. La porosité est le volume des "vides" du sol, les pores. C'est par les pores que circulent l'eau et les gaz dans le sol. Ils sont donc importants par leur quantité, mais aussi la qualité de leur organisation. Le tassement ou la compaction correspondent à une perte de porosité et à une dégradation de ce réseau qui peut avoir des impacts sur la croissance des cultures et les rendements.
En pratique, l’arrêt total de travail du sol n’arrive pas tout de suite et il existe plusieurs pratiques qui coexistent :
- Le labour occasionnel : impasse sur certaines parcelles ou avant certaines cultures pour positionner les labours avant les cultures qui sont les plus exigeantes.
- Le pseudo-labour : labour remplacé par un travail profond, mais sans retourner le sol : décompactage ou sous-solage.
- Le travail du sol superficiel avec des outils à disques ou à dents (déchaumage ou strip-till par exemple).
- Le semis direct (ou direct sous couvert végétal), aucun travail du sol dans ce cas, le sol n’est perturbé que sur la ligne de semis).
Ces différentes pratiques peuvent se succéder dans le temps ou bien coexister au sein d’une même exploitation en fonction des parcelles et des cultures.
Diversité et rotation des cultures.
La suppression du travail du sol rend indispensable l’allongement des rotations afin de maîtriser les adventices qui ne sont alors plus détruites par le labour. La réflexion agronomique de succession des cultures est alors primordiale pour réduire les maladies présentes sur les cultures grâce à la complémentarité des espèces. C’est pourquoi ce modèle cultural est peu compatible avec un système monoculture (favorisant la transmission des maladies fongiques). Cela permet aussi de sécuriser son système à moyen et long terme face aux risques d'accidents climatiques.
Ces trois principes ont pour principal objectif de réduire la dégradation des sols et d’améliorer leur fertilité en préservant la matière organique, la faune et la flore des sols. La notion de « système » est ici la clé. : cC’est l’interaction dynamique entre les composantes du système qui fera la réussite de cette nouvelle pratique face à une agriculture conventionnelle.
Découvrez ici le témoignage de Jean-Christophe Alibert, polyculteur éleveur en agriculture de conservation et de régénération des sols depuis 10 ans.
En 2020, année très compliquée, il fait des rendements similaires à ses voisins en conventionnel. La différence : il n’a réalisé qu’un passage de glyphosate avant semi et 1 apport phyto, alors que ses voisins en conventionnel ont des charges d’intrants et de mécanisation bien plus importantes. Finalement il a de meilleures marges. Un retour d’expérience très intéressant pour tous ceux qui auraient envie de tester de nouvelles techniques culturales et de réduire leurs charges.
Mais l’agriculture de conservation n’est pas la seule technique vertueuse pour se sécuriser dans une année climatique compliquée. Pour découvrir un bouquet d’actions pour un changement audacieux de stratégie culturale qui peut être payant, téléchargez vite notre recueil « 6 astuces pour faire face à une année climatique compliquée »